Thierry Vasseur a commencé par être un célèbre inconnu. C’est lui qui imprime pendant douze ans leur style aux couvertures des romans d’espionnage du célèbre personnage de Gérard de Villiers, SAS. Créatures sulfureuses, naïves futées, vraies fausses innocentes, armées d’automatiques ou de pm, mais aussi de seins-obus et de cuisses-missiles. Publié en 2005, Eros & Thanatos reflète cet univers « première époque » et les travaux pour SAS. Il révèle aussi la plus grande liberté prise par l’artiste durant les cinq dernières années dans l’utilisation des couleurs et l’introduction de (afficher la suite) certains objets. Thierry Vasseur n’oubliera jamais qu’il fut ébéniste et en gardera un amour profond du réel, de la matière, du matériau. Tout matériau est un univers à lui tout seul, que ce soit le bois ou le métal, ou le plastique, à qui il prête une pleine dignité. Ce qui le mène bientôt au cœur de son œuvre. Mais avant d’y venir, attardons-nous sur d’autres voies prises par le photographe, que l’on aurait bien tort de considérer comme de simples chemins de traverse. Vasseur est également photographe de mode et portraitiste. On en veut pour preuve son livre « Combats », remarquable série de portraits où – idée superbe – il fait enfiler des gants de boxe à différentes célébrités. On regardera aussi avec émerveillement la série des petits polaroïds que Vasseur retravaille : on les dirait issus d’une erreur technique, où la possible mauvaise qualité du support entraîne les sujets vers leur disparition physico-chimique, quand soudain l’artiste intervient, fige le processus d’effacement, sauvant dans une étrange atmosphère d’ouate ce qui devait être sauvé : les corps, les biens que l’on en peut espérer, d’autant plus désirables qu’ils furent promis à la destruction, inquiétante promesse qui reste présente, désormais… Aujourd’hui, le cœur de l’œuvre, ce sont ces photos pop-op-art qui semblent prédire un univers robotisé (nous y sommes presque !). Mais ici c’est un univers pour se sentir gai, fort, beau joueur, imaginatif, désirant, où finit par triompher une joie sensuelle en prise avec le monde et la matière ; un univers où se mêlent robots-jouets, femmes qui jouent à être fatales, architectures composites, tout cela dans des paysages naturels ou urbains que photographiait Vasseur au cours de ses nombreux voyages dans le monde entier, et qui sont plus que de simples cadres : ils accueillent, ils abritent sur le mode grandiose, fantastique ou ironique, une armée de véhicules de science-fiction, un univers de comics, où survient et s’impose la femme, chair de la chair des rêves, chair parfois si fantasmée qu’elle en devient androïde… Est-ce une promesse de plaisir robotisé, éternellement disponible et dispensé, ou, au contraire, une échappée charnelle hors de la dictature des algorithmes ? La question est en suspens dans ce style enthousiaste que l’artiste aime à baptiser « pop-op-art techno-narratif ». Que recouvre ce terme ? Thierry Vasseur a fait son miel du surréalisme, du pop art d’Andy Warhol, de Vasarely, des personnages de Marvel et Strange, des mangas japonais, de David Cintract, de la BD ou du Tarantino période Kill Bill. On pourrait même trouver dans la richesse des thèmes vasseuriens une lointaine filiation – ce n’est pas le moindre des éloges ! – avec les anciennes pulp-fictions américaines, et des revues fantastiques comme Amazing Stories. En réalité, Vasseur a réussi l’impossible : faire de tous ces éléments disparates une synthèse très personnelle : colorisation forte et audacieuse, intégration pleine de charme ou d’humour des objets techniques, personnages récurrents, art éblouissant du collage et du montage… chaque photographie est une histoire de notre époque où le possible rattrape l’improbable et signe un style Vasseur aujourd’hui connu et reconnu par les collectionneurs. Texte : Jean-Pierre Maurel
Déscription 6 Polaroids film type 100 (pièces uniques), réalisés pour la couverture du roman SAS n°144 "LI SHA-TIN DOIT MOURIR", 2001. + 2 tirages photographiques format 20 x 20 cm. Signés avec tampon à sec.